Newsletter #9 du grand tour des Amériques

Nous sommes le jeudi 12 mars, à Puerto Montt, environ 1000km au sud de Santiago. Ce n’est pas une ville très sexy, mais on doit aller au Registre Civil de cette ville pour récupérer la plaque d’immatriculation de notre van, qui a été volée aux anciens propriétaires dans cette région.
A ce moment là, le Chili commence à peine à se préoccuper du Coronavirus, la quasi-totalité des cas recensés sont à Santiago.

Au Registre Civil, ne sachant plus ce qu’ils ont fait de notre nouvelle plaque, on nous donne RDV 4 jours plus tard, le temps d’enquêter. On s’organise donc un WE randonnée pas trop loin, dans la vallée de Cochamo, le Yosemite du Chili, coupés de toute forme de communication.

Le parc est vraiment magnifique : de grandes falaises de granite, des cascades en pagaille, des forêts… Un vrai petit écrin de paradis, complètement préservé.

Revenus à Puerto Montt lundi matin, la re-connexion à la réalité est brutale : l’Argentine ferme ses frontière mercredi (on devait y repasser jeudi matin), tout le monde porte des masques… Le Covid-19 est bel et bien arrivé, et c’est la panique. C’est incroyable de voir la vitesse à laquelle tout a changé, en 3 jours le pays s’est métamorphosé.

On sait bien comment ça s’est passé en Europe, on s’attend donc à ce que le pays se confine sous peu, on se questionne sur notre futur. Après quelques heures à évaluer les différentes option, la décision semble évidente : on a la chance et le confort de vivre en van, on peut donc se confiner de façon assez agréable, loin des villes. On rempli le van de provisions, Margaux nous trouve un camping (afin d’avoir des douches, un endroit abrité où cuisiner, etc.) au bord d’un lac, avec vue sur le volcan Osorno. Le lendemain, deux autres couples de français, en van aussi, nous rejoignent pour se confiner avec nous, on va être bien !

Mais l’hiver austral n’est plus très loin, et on est dans une région au climat plutôt rude. Le froid et l’humidité en van, sans chauffage, si on se retrouve bloqués ici longtemps, ça va être invivable… On prend donc la décision de remonter plus au nord, pour la météo, mais aussi pour se rapprocher de Santiago, au cas où.
On part à l’aube : 11h de route nous attendent jusqu’à la ville de Constitution, sur la côte pacifique, ni trop près ni trop loin de Santiago. On y a repéré un surf-camp paradisiaque, qui nous confirme avoir de la place pour nous et rester ouvert tout l’hiver. Génial !

On arrive à la nuit tombée, et c’est la douche froide : le propriétaire du camping a des problèmes avec ses voisins, problèmes qui se sont transformés l’après-midi même en véritable guerre, les installations sont en partie saccagées, pas question pour nous de passer un mois ici.
Un autre couple de français se joint à notre caravane et on se remet en route vers Pichilemu, notre dernier espoir. On y a trouvé un camping parfait, le patron accepte de rester ouvert juste pour nous 8 et de nous faire un tarif longue-durée très honnête.

Une fois installés, on se dit qu’on est enfin sortis d’affaire, on a désormais un endroit où l’on peut se poser le temps de laisser passer la crise, même si il faut rester là deux mois, on y est tellement bien !
On est le 20 mars, il fait beau, un 5ème van de français nous a rejoint, on est donc une grande colonie de vacances de 10 adultes et un adorable chien.
Il va être sympa, ce confinement !

Mais Margaux continue à stresser. On voit sur les réseaux sociaux des vans se faire déloger en Argentine, les campings et les hotels ferment un à un, et un racisme anti-touristes commence à apparaitre. Mine de rien on n’est pas chez nous, si la situation dégénère on ne fera pas long feu…
Et si on change d’avis dans une semaine, et qu’on veut rentrer, on ne pourra plus, les vols retour ne sont maintenus que jusqu’au 23. L’ambassade négocie avec Air-France quelques vols supplémentaires, mais ça ne va pas continuer longtemps.

Quelques jours plus tard, on apprend qu’un autre couple de français en van est en train de se faire expulser par l’armée de leur camping dans la même ville que nous ! En effet, le maire de la ville se vante dans la presse d’expulser tous les touristes pour protéger ses citoyens. Comme ce n’est pas vraiment légal, il a recourt à l’armée pour les intimider… Ca ne sent pas bon du tout.
On accueille les deux expulsés dans notre communauté, notre camping étant loin de la ville et peu connu, on pense pouvoir être épargnés.

Il reste des places pour le tout dernier vol de rapatriement, le 27 mars. Je nous en réserve deux au cas où, même si j’ai toujours envie d’y croire, de rester. On prend contact avec des société de stockage/revente de van, on va chez le notaire préparer un mandat de vente… On se prépare un plan B, qui petit à petit devient clairement le plan A.

Le 25 mars en fin d’après-midi, un camion de l’armée s’arrête devant notre camping, envoyant voler en éclats le moral et les espoirs du groupe. On n’est pas expulsés, mais clairement plus les bienvenus.
Le patron du camping temporise en prétendant à l’armée qu’on attend nos vols pour quitter le pays début Avril. Il essaie de nous rassurer, nous disant qu’il pourrait continuer à temporiser un moment, mais on n’a pas du tout envie de vivre dans l’incertitude et la menace permanente.

Le lendemain matin, avant l’aube, on se met donc en route. On dépose le van dans la région de Valparaiso dans la matinée, puis on prend un taxi jusqu’à l’aéroport de Santiago. On arrive vers 14h et il reste quelques places pour le vol de 16h30, on modifie donc notre billet du lendemain et on saute dans l’avion, rempli principalement de backpackers en chaussures de marche !

On ne pensait pas rentrer si vite, ni rentrer dans ces conditions, mais même si ça fait mal d’abandonner notre voyage, l’avenir nous dira probablement que c’était la meilleure solution.

Après une correspondance à Paris, on arrive à l’aéroport de Marseille, on récupère quelques affaires chez nos mères respectives et on s’installe dans l’appart dans lequel on avait laissé les meubles de Margaux, qui est disponible pour nous. La situation est donc très confortable pour nous.

Parmi notre communauté de Pichilemu, deux autres couples sont finalement rentrés avec le vol du 27 et ont donc connu le même retour précipité que nous. Les 3 couples restant cherchent à se loger en dur au Chili, afin de se sécuriser face aux expulsions des campings.

Notre voyage a duré au total 348 jours, du 15 avril 2019 au 27 mars 2020.

2 commentaires sur “Newsletter #9 du grand tour des Amériques

  1. On s’y revoit en lisant l’article et le déroulé… très bien écrit et beau partage. Bon confinement à vous les amis, c’était un plaisir d’avoir partagé ces derniers moments chiliens a vos côté. Un petit coucou de la reine d’Angleterre 😜👌🏻😘

Laisser un commentaire